ART /
Dumbphones
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Guillaume Bertrand
Du 12 au 16 avril 2021
Les Dumbphones se veulent le miroir low-fi, bricolé et DIY de nos smartphones.
Ils sont nés de la volonté d’interroger l’usage du téléphone portable dans l’espace public, à l’invitation de l’association Juste Ici, organisatrice entre autre du festival Bien Urbain. Après un temps d’expérimentation dans deux lycées à Besançon, dans le cadre du dispositif Artistes/Plasticiens au lycée proposé par la Région Bourgogne Franche-Comté, une résidence à l’Espace Multimédia Gantner a permis de préciser les contours d’une proposition interactive qui devrait être montrée les 11, 12 et 13 juin 2021, dans le cadre de l’édition à venir du festival.
” Lorsque l’équipe de Juste Ici m’a proposé en 2019 d’imaginer un projet à mener en milieu scolaire, le cahier des charges faisait se rencontrer l’espace public (leur espace de prédilection) et la création numérique (le mien). Assez spontanément les premières idées ont impliqué l’objet “smartphone”. La question de l’usage du téléphone dans l’espace public était latente et déjà présente dans certaines de mes expérimentations.
Questionner le smartphone, c’est interroger le rapport à la technologie, à l’espace public et à l’espace privé, au déplacement, à l’information, à l’autre, à l’attention, etc… Cet objet est peut-être celui qui aura le plus transformé le rapport à la ville depuis la voiture dans les années 60. En modifiant la manière de nous déplacer, de nous repérer, de communiquer, de consommer, le smartphone a transformé la silhouette du badaud, du passant. Il est devenu un personnage voûté communiquant, pouvant tout à la fois lire le journal, commander un taxi ou un repas, travailler ou regarder un épisode de série. Son attention est toute entière aspirée par l’objet présent dans sa main. Paradoxalement, pour être relié, connecté, il a besoin de s’isoler, de s’extraire de son environnement, de privatiser également l’espace autour de lui. La solitude sensorielle devient la condition de l’être ensemble, comme le note Sherry Turkle dans son ouvrage “Seuls ensemble”. “
Les dumbphones viennent appuyer ces aspects en asséchant au maximum les questions de réseaux, de technique et d’interface. Avec des composants électroniques grand public et peu coûteux, les dumbphones créent un réseau maillé limité à 6 appareils. Ces appareils partagent 3 modes de communication, identifiés comme prépondérant dans l’usage actuel des smartphones : l’échange de mini messages écrits (texting), la production d’images, usuellement via l’appareil photo (drawing), et le divertissement (playing). Les deux boutons présents sur l’appareil ne servent qu’à choisir le mode dans lequel l’usager utilise son dumbphone. Il lui faut alors interagir avec l’accéléromètre intégré pour dessiner et écrire, en se déplaçant physiquement dans l’espace urbain.
Chaque contenu créé est partagé instantanément avec les autres appareils. Les utilisateurs sont donc amenés à créer, par leur usage, une sorte de chorégraphie improvisée, une danse dans l’espace urbain, nécessaire à la création et au partage de contenus. Le fait de proposer cela dans la rue impose donc la présence d’un public improvisé, plaçant l’utilisateur dans une drôle de position, où peut être il sera mis un peu mal à l’aise. Un très léger décalage de l’usage qu’il a habituellement de son smartphone (se déplacer dans la rue en le consultant) va sans doute produire chez lui un léger inconfort provoqué par le regard des autres. À moins que le regard des passants ne soit lui
aussi tout entier plongé dans un smartphone.
Projet soutenu par la Région Bourgogne Franche-Comté, l’Espace multimédia Gantner à Bourogne, l’association Juste Ici, la DRAC Bourgogne Franche-Comté, le DRAAF et les académies de Besançon et Dijon.
Il a été créé en plusieurs étapes lors de résidences avec les élèves du CFA Hilaire de Chardonnet à Besançon, et du lycée Pasteur de Besançon.
Le collectif 3615 Señor, hackerspace de Besançon a fait profiter de son soutien technique et matériel.