Tu, sempre est une installation entre discours artistique, activisme et documentaire. Elle propose une réflexion sur l’histoire et l’évolution de la représentation du sida ainsi que sur la manieère dont elle est occultée.
L’œuvre se compose de plusieurs artefacts. La pièce centrale est un large écran en rotation permanente sur lui-même, dont l’une des surfaces est un miroir. Des textes en plusieurs langues, des témoignages, des essais théoriques ou critiques ayant trait au sida y sont projetés et réfléchis dans toute la pièce. Ces textes sont principalement projetés sur fond noir mais aussi sur des photos en plans rapprochés de peau parfois tatouée, ou d’une façade de maison taggée d’insultes sérophobes. Ils défilent à des rythmes différents, se morcellent. Le spectateur n’en distingue souvent que des bribes.
L’immersion dans l’œuvre est accentuée par la composition musicale diffusée dans toute la pièce, faites de sons de manifestations, de voix, de klaxons et de bruits électroniques. A l’écoute au casque sont également disponibles des témoignages personnels et engagés sur la maladie ainsi que sur ce qu’elle induit au quotidien. Au mur, une frise de photographies issues d’albums personnels, montrant des personnes malades ou non dans des situations banales, loin des stéréotypes des photographies d’art documentaire qui mettent en scène la maladie.
Cette pièce aborde la maladie sur le plan discursif. Elle explore sa représentation par le prisme de différentes interprétations et la crise du langage et de la parole qu’elle induit. Les discours exposés, tantôt froids et factuels, tantôt intimes et militants, coexistent sans s’entremêler. En confrontant ces deux types de discours, yann beauvais dénonce avec délicatesse et pudeur les conséquences directes de cette vision mercantile et sensationnaliste sur la vie des personnes malades et insiste sur le pouvoir que peuvent avoir les mots et les images.
L’œuvre élaborée sur un mode de diffusion multiple, à voir, à entendre et à lire installe le spectateur au cœur de cette problématique. Sollicité de toute part, il se sent faire partie du tout. La vision de son reflet dans le miroir et les textes se reflétant sur son corps renforce son implication.
Tu, sempre, créée en 2001 à La Criée, centre d’art contemporain de Rennes, résulte d’une collaboration entre yann beauvais et Thomas Köner, musicien, vidéaste, et auteur-compositeur.
yann beauvais (1953-) est cinéaste, plasticien et critique spécialiste du cinéma expérimental. Il est le confondateur en 1982 avec Miles McKane de Light Cone, la plus importante coopérative européenne de diffusion du cinéma expérimental consacrée à sa création, à sa diffusion et à sa sauvegarde. Il explique lui-même que le point commun de tous ses films est d’être construits selon le principe suivant : « fragilité » – « disparition » – « effondrement ».
En savoir plus
Site web de l’artiste
yannbeauvais.com
Texte sur l’oeuvre
http://www.paris-art.com/marche-art/Tu,%20Sempre/Tu,%20Sempre/3978.html